Toi et moi

Publié le par Emilie

_ Arrête de m’ignorer comme ça ! Je n’en peux plus ! Regarde-moi ! Ecoute-moi ! J’ai tout essayé pour attirer ton attention : maux de tête, maux de ventre, démangeaisons et j’en passe. Rien n’y fait. Tu continues à te convaincre que ça passera en m’ignorant. Mais tu te trompes. Tu te fatigueras avant moi car jamais je ne te laisserais en paix. Tu m’entends ?

_ Inutile de hurler. Je t’entends.

_ Ca pour m’entendre, tu vas m’entendre. Je ne laisserais pas passer cette occasion. J’ai trop attendu ce face à face. Que crois-tu depuis toutes ces années ? Que ça m’amuse d’être patraque ? Que je fais ça pour mon plaisir ?

_ Je n’en sais rien.

_ Ca, ce n’est pas une surprise. Tu ne me connais pas. 26 ans  de cohabitation et tu ne sais toujours rien de moi.

_ Parce que toi tu me connais peut-être ?

_ Comment pourrais-je ne pas te connaître ? Tu passes ton temps à jacasser : j’ai envie de chocolat, je pense que le monde ne tourne pas rond, j’ai peur de tous ces gens que je ne connais pas, je me trouve moche, je suis si fatiguée…

_ Ca suffit ! J’ai saisie !

_ Il faut dire que c’est facile de se raconter quand on a une voix, des mots. Mon langage à moi est moins efficace. La preuve en est que tu ne comprends jamais quand je te demande d’arrêter de manger, quand, sur le point de craquer, je te supplie de d’aller courir, quand je tombe de sommeil. Malgré mon influence sur ton état tu fais comme si je n’existais pas. Mais regarde la vérité en face, si je n’étais pas là tu ferais toujours parti du néant. Tu ne serais rien !

_ Parce que tu crois que c’est facile. On est si différente. C’est bien simple, je ne me souviens pas qu’on ait jamais voulu la même chose. Tu penses vraiment que c’est pour moi que j’ai arrêté de fumer.

_ Je l’attendais celle-là. C’est tellement toi. Tu m’empoisonnes pendant 10 ans et tu t’attends à ce que je tombe à tes pieds quand tu décides enfin, dans ta grande bonté, à arrêter.

_ Parfaitement ! Rien ne m’y obligeait.

_ Mais dis-moi ce que j’ai fait pour que tu m’en veuilles autant.

_ Tu veux savoir. Ta vulnérabilité. On peut te frapper, te violer, tu peux te blesser, et tu es condamnée à dépérir avant de mourir. Alors que je suis intouchable, immortelle.

_ C’est ce que tu imagines. Tu ignores ce qui t’arrivera au moment de mon trépas.

_ S’il n’y avait que ça. Mais les limites de ta chair me sont insupportables. Tu es lourde, raide et empotée. J’aurais peut-être du plaisir à faire du sport si tu ne t’essoufflais pas si vite. Il est inutile que je m’attarde sur ton physique si fatalement immuable. Moi je change à la vitesse de la pensée. Je ne connais aucune impossibilité.

_ Pour une fois, tu es dans le vrai. Avec toi tout est tellement possible que jamais rien ne se concrétise. Tu dépends tellement de moi que c’en est risible. Sans mes yeux, plus de romans, sans mes oreilles, plus de musique, sans ma langue, plus de goût, sans mes mains, plus de dessin. Que serais-tu sans moi ?

_ Balivernes ! J’ai le pouvoir de vie ou de mort sur toi. Qui te couvres, te nourrit, t’anime ? Tu n’es qu’une coquille vide que j’habite. L’aurais-tu oublié ?

_ Avec ce que tu fais pour moi, tu pourrais tout aussi bien me laisser mourir. Mais tu as certainement peur de ce que tu pourrais devenir.

_ Tu as peut-être raison. Excuse-moi. Je vais faire des efforts pour être plus à ton écoute. Qu’est-ce que tu veux, dis-moi.

_ Tu crois pouvoir me berner aussi facilement. Je te connais trop bien. Aujourd’hui tu es toute miel dans l’espoir que le psoriasis disparaisse, mais je te donne 2 jours avant de m’oublier. Moi ce que j’aimerais, c’est que tu réalises au plus profond de toi qu’on est liée, qu’on a besoin l’une de l’autre et qu’on décide de passer le temps qu’il nous reste sur cette planète à marcher ensemble. Mais tant que tu me hais c’est sans espoir.

_ Je veux bien, mais je ne sais pas comment faire pour te pardonner tes faiblesses.

_ Je n’ai aucune solution miracle mais je t’en prie, essaies de trouver le chemin qui te mènera à moi.

_ Je ne peux te promettre que d’essayer.

Publié dans Prose

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