Toi
Toi, vile créature à l'esprit si subtil
Que le diable est envieux du fin fond des Enfers,
Toi, fantasme honteux, perfide et infantile
Dont l'oeil est vicieux et le sourire pervers,
Toi qui as profané il y a six années
Le temple de mon âme où régnait l'innocence,
Toi qui as pénétré ma tendre intimité
Pour y semer le vice et le goût de l'errance,
Toi qui pris mon coeur pour ultime repers
Changeant la vérité tel un sorcier habile,
Toi qui me supplias afin de te soustraire
Au rude châtiment de t'accorder l'asile,
Toi qui m'as arrachée, sans pitié ni regret
Mes espoirs d'enfant et ma fierté de femme,
Toi qui m'as harcelée quand, las, je tentais
De fuir le carcan de nos liaisons infâmes,
Pourquoi m'as-tu choisie pour être l'effigie
De la vie qui t'accable, afin de te venger
De ce destin ingrat, en devenant ainsi
L'immonde tortionnaire et non plus le damné ?
Pourquoi tant de passion, d'étreintes, de violence,
Qu'en guise de sanctions ton corps m'infligeait,
Alors que ces mots, clamant l'indifférence :
"A mes yeux tu n'es rien !" sans cesse résonnaient.
Aujourd'hui je te chasse, et loin de mon amour
Prince des exilés, tu ne peux te terrer.
Désormais tu vivras, et la nuit, et le jour,
Sous le poids de tes fautes, à venir et passées.
Mais si quelqu'émotion a su naître en ton sein,
Soit passion exhaltée, soit ferveur flétrie,
Et que par un hasard ou un facheux dessein,
Par un de mes péchés tu aies été meurtri,
Alors accorde moi le pardon que je t'offre
Et scellons nos adieux ainsi que nos mémoires,
Car il est temps pour nous de déserter les affres
De nos unions blâmées, parsemées de déboires.